© Alain Séchas

dessin de "Jurassic Pork II", 2005


Alain Séchas
Jurassic Pork II



Le visiteur de "Jurassic Pork II" est invité à vivre une véritable expérience... Plongé dans l'obscurité, armé d'une lampe torche, il découvre les oeuvres par ses propres moyens et les dessins de l'artiste sur les murs, les personnages monumentaux dressés dans l'espace ou le cochon volant lumineux qu'il est ainsi amené à croiser, forment un environnement mystérieux et riche d'anecdotes...


"Jurassic Pork II" plonge d'emblée le visiteur au coeur de l'univers mythologique d'Alain Séchas: son petit Siegfried a bien du mal à accomplir sa mission au sein de la faune du Jurassic Pork! Les élans de la Comtesse Pornault, les attaques des hordes de cochons, les mauvais conseils du Conte Zaroff ou le charme irrésistible d'Artémiss, tout ceci lui fait tourner la tête et ne nous aide pas à nous y retrouver dans la brume épaisse qui envahit l'espace...


Alain Séchas n'en est pas à sa première expérience du genre: fleurs carnivores aux dents acérées à Lyon en 1991, araignée suspendue à un fil à Strasbourg en 2001 ou suspects sous les projecteurs à Paris en 2000, le mouvement, la surprise, l'effet spectaculaire font partie intégrante de son oeuvre et ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Car l'on a beaucoup écrit sur Alain Séchas: sur le chat contenu dans son nom, sur son humour grinçant auquel rien n'échappe, sur ses blagues de bandes dessinées élevées au rang de tableaux de maître, sur ses références à Lacan et à Deleuze ou sur la présence-absence du phallus dans l'ensemble de son oeuvre.


Alain Séchas se prête volontiers à l'analyse. Il donne à voir, à discuter, à rigoler et, souvent, à questionner sur le statut même de ce que l'on est en train de voir. Quel est le sens caché de cet animal apparu en 1996 et toujours présent depuis? Que nous cache-t-il ou que veut-il nous montrer? Son air ahuri et ses grands yeux ronds sont-ils seulement l'expression de son étonnement à nous rencontrer? Serait-il le miroir déformant de nos travers humains? Alain Séchas aime à travailler le premier degré. Ou, du moins, il aime à le faire croire sans toutefois en dévoiler les sens enfouis. Que cache cette mauvaise blague de bistrot? N'est-elle là que pour satisfaire notre désir d'humour gras ou nous dévoile-t-elle l'un des sens philosophiques obscurs du monde? L'oeuvre d'Alain Séchas est ainsi faite de nombreuses questions. Et ses chats, prêts à endosser tous les rôles, nous les assènent sans mesure et sur tous les terrains: le sexe, l'invective, le fantasme, le rôle de l'art, l'humour noir, les comportements sociaux, le désir ou la peur de l'autre.


Les travers humains constituent la base même du fond de commerce de l'artiste. Il y puise allègrement et la matière s'avère riche, voire inépuisable. Livré à sa libido, cédant à ses plus basses pulsions, exhibitionniste de ses propres faiblesses, son chat de référence n'est autre que nous même, sous notre face la moins reluisante. Martien du quotidien, somnambule en file indienne, super-woman sexy ou petite star en caleçon à fleurs, il nous caricature avec fluidité, l'air de rien, implacable.


Toutes ces petites violences faites à nous-mêmes tracent pas à pas, dessin après dessin, l'un des plus grands portraits qu'il nous aura été donné à voir de notre petite société et de nos petites habitudes. Alain Séchas, avec l'élégance qui le caractérise, nous le jette à la figure sans ménagements, le sourire discret aux lèvres...


Marc Sanchez


Jurassic Pork I et II
Une version précédente de l'oeuvre présentée au Palais de Tokyo et intitulée "Jurassic Pork" a été réalisée par l'artiste lors de son exposition personnelle au Consortium de Dijon en 2001. Elle a ensuite intégrée la collection d'art contemporain des Abattoirs à Toulouse.


Au Palais de Tokyo, "Jurassic Pork II" est augmentée d'une nouvelle série de dessins et de deux sculptures monumentales. A l'issue de l'exposition, cette nouvelle version rejoindra la collection des Abattoirs, co-producteur de l'exposition.


Le point de vue du commissaire
Au Palais de Tokyo, nous avons choisi de présenter Alain Séchas pour son insolence, sa capacité à être hors normes, son talent à ne pas entrer dans les cases pré-étiquetées dans lesquelles on aime mettre les artistes. Pour que les yeux ronds de ses personnages nous tétanisent l'espace d'un instant, pour que nous ne sachions plus très bien où nous sommes et, faisant glisser un peu de brume sous nos semelles, le sol nous semble soudain un peu plus glissant, la terre un peu moins ferme et, nous-mêmes, un tout petit peu plus légers. C'est sa liberté qui nous a séduits, lui faire une place dans notre programme nous semblait très naturel.


Alain Séchas est un artiste qui a déjà un long parcours, depuis plus de vingt ans, il nous regarde de haut! L'homme étant plutôt grand, cela lui permet de nous toiser facilement, de nous montrer que sa tête est plus proche des nuages que la nôtre et qu'il entend bien nous le faire savoir. Souvent sans ménagement, par un petit dessin griffonné au feutre noir ou par un monument éblouissant de perfection. En ce moment, à un mois de l'ouverture de l'exposition, nous découvrons les nouveaux dessins qui seront bientôt sur nos murs! Il y travaille dur, l'histoire se déploie, les sculptures se construisent, tout cela avance pas à pas. Et, comme souvent, lorsqu'un artiste travaille à un nouveau projet, c'est le présent qui compte.


Alain Séchas a répondu à notre invitation en proposant de donner une forme nouvelle au projet "Jurassic Pork" inventé ailleurs, sous une configuration plus réduite. Nous sommes très heureux que le Palais de Tokyo lui ait donné envie de développer cette oeuvre, de couvrir nos parois de dessins, de faire voler son cochon dans un palais lui aussi un peu préhistorique et d'écraser quelques unes des flèches de Siegfried sur nos murs. Et nous sommes ravis également de nous payer le luxe de fréquenter Artémiss, une magnifique créature aux oreilles pointues et au bikini généreux et qui, elle aussi, va nous regarder de haut pendant quelques semaines...


Commissaire de l'exposition: Marc Sanchez
assisté de Elodie Royer


Exposition: 31.3. - 5.6.2005
Horaires d'ouverture: Ma-Di 12 - 24h


Palais de Tokyo
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