© Monique Frydman


Monique Frydman
Révélé



Le hasard est un assistant (bien plus qu'un outil docile) auquel Monique Frydman recourt volontiers. Elle s'en est expliqué dans plusieurs textes et entretiens, indiquant qu'elle y voit un moyen de perturber les lectures univoques d'un tableau, l'autographie, le style, la figure, etc. En prenant en charge un certain nombre de données plastiques qui contribueront grandement à l'apparence finale du tableau, le hasard permet effectivement la mise à distance de ces compréhensions de surface.

Dans une série précédente, "Les sombres", l'artiste avait découpé des gabarits (terme qu'elle préfère à celui de pochoir) selon les lignes sinueuses déterminées par la chute d'une corde sur le sol. Reportées sur la toile, ces formes aléatoires, sinon hasardeuses, tenaient alors lieu de figures, c'est-à-dire qu'elles s'étaient assigné la position centrale - et en l'occurrence exclusive - traditionnellement occupée par la figure. La série intitulée "Révélé" reste fidèle au principe de formes fixées au moyen d'un gabarit mais n'a plus recours à la corde.


C'est désormais un assistant de l'artiste qui s'est chargé de la découpe des gabarits. Loin d'être anecdotique, ce procédé indique la nature essentiellement subjective du hasard: il est ce qui échappe à un déterminisme connaissable par un sujet. Rien n'indique que ce déterminisme ne soit pas connaissable en soi. Que ce soit la chute d'une corde sur le sol, la face sur laquelle retombe une pièce de monnaie, une combinaison de chiffres gagnante ou le libre choix d'une tierce personne, rien de tout ceci n'échappe aux lois de la physique ou même, pour le dernier exemple, à la volonté de l'individu qui a effectué la manipulation. Cela échappe seulement à l'observateur. Le hasard, c'est tout ce qui n'est pas maîtrisable par moi.


Se limitant dé-libérément (c'est-à-dire pour s'y attacher) à ces quelques formes définies par un autre, la seule liberté de l'artiste est de disposer d'elles en choisissant leur agencement et leur répartition sur la toile. Les formes sont ainsi greffées les unes aux autres, sont raboutées, sont composées et recomposées sans cesse selon un (dés)ordre insensé. Ordonnées par l'artiste en vue d'une composition particulière, elles assument néanmoins le désordre de ce qui est en perpétuelle mutation et n'a finalement aucun sens. C'est cet interminable roulement de dés qui fait sans cesse basculer l'ordre dans le désordre et vice versa. Pourtant, peut-être le coup de pinceau de l'artiste est-il seul en mesure d'abolir le hasard...


En effet, les différentes configurations que Monique Frydman attribue à des formes étranges (parce que leur genèse lui est étrangère), les agglomérations qu'elle décide, les couleurs dont elle les emplit ou, au contraire, dont elle les cerne, le traitement du fond dans lequel elle les plonge, tous ces composants plastiques les incorporent à un tableau qui, en dernière analyse et au premier coup d'oeil, est bien une oeuvre de Monique Frydman.


Dès lors, le hasard n'est plus. Il a sans doute présidé à la fécondation de la peinture, mais il s'est dissout dans son bain. Car c'est bien d'une profondeur qu'il s'agit, à la fois abysse et abîme, liquide et terrestre. C'est un hiatus, au sens propre: un gouffre béant. Le vocabulaire lié aux tableaux de Monique Frydman en témoigne: liquidité des couleurs passées en jus, tons terreux des ocres et de la toile écrue, chute des cordes et enchevêtrement des cordages, surface de la toile et profondeur de l'image, jusqu'aux Dames de nage dont le nom désigne le pivot sur lequel viennent s'arrimer les rames d'une embarcation...


Karim Ghaddab, extrait du catalogue "Monique Frydman, Peintures, Révélé", Galerie Jacques Elbaz, 2001.


Exposition: 21.1. - 5.3.2005
Horaires d'ouverture: Mar-Sam 14h - 19h


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